Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 36e Législature,
Volume 138, Numéro 33
Le mardi 29 février 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
Table des matières
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 29 février 2000
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'Ontario
L'enseignement postsecondaire- Les subventions universitaires axées sur l'enseignement des arts libéraux
L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, l'Ontario envisage d'encourager les futurs étudiants des universités et des collèges à délaisser les lettres, les sciences humaines et les sciences sociales au profit de l'informatique, du génie, de la recherche médicale et des communications. À cette fin, le gouvernement de l'Ontario a lancé la semaine dernière un programme de construction de 1,4 milliard de dollars, le plus large investissement jamais effectué dans l'enseignement postsecondaire depuis une génération, consacrant de généreux fonds à des cours de haute technologie donnés dans les grandes universités, alors que végètent les petits établissements qui enseignent les arts libéraux. Des établissements de Toronto recevront plus de la moitié de cet argent frais. Les universités qui mettent l'accent sur les arts libéraux, comme Brock, Trent, Windsor, Nipissing, ne toucheront pas un sou.
Il y a encore des gens qui croient en la valeur d'un diplôme en arts libéraux, même sur le marché du travail, et je suis de leur nombre. Un éditorial du Globe and Mail d'aujourd'hui conseille à ceux qui souhaitent un enseignement axé sur les arts libéraux de fonder des universités privées spécialisées dans l'enseignement des arts libéraux, même si certains d'entre nous s'opposent en principe à cette idée et même si cette communauté n'est pas aussi financièrement bien nantie pour ce faire que les milieux de la haute technologie.
Face à cette initiative, 16 recteurs de l'Ontario, dont moi-même, à l'instigation de Peter Gzowski, recteur de l'Université Trent, ont remis aux médias la déclaration suivante:
L'enseignement supérieur est de la plus haute importance pour ce qui concerne l'avenir de l'Ontario. Nous devons veiller à mettre en place un système universitaire qui soit fondé sur l'excellence, l'accessibilité, la diversité et la souplesse. Les arts et les sciences doivent demeurer la pierre angulaire de l'éducation supérieure en Ontario. Des études récentes ont révélé qu'une formation généraleharmonieuse - impliquant l'apprentissage de la formulation de la pensée et de l'expression écrite claire - est tout aussi précieuse, sur le plan de l'accès à l'emploi, qu'une formation technique ou technologique. Pour atteindre ces objectifs, les universités doivent disposer de financements renouvelés. Le gouvernement et le secteur privé doivent conjuguer leurs efforts pour s'assurer que seront satisfaits les besoins en main d'oeuvre bien instruite et en dirigeants de la nouvelle génération. Quels que soient les nouveaux mécanismes de financements qui seront mis en place, ils devraient permettre aux établissements universitaires de gérer de leur propre chef les demandes d'inscription et d'offrir un cursus et un programme de recherche qui seront diversifiés et avisés. Les Ontariens s'enorgueillissent de leurs universités et de ce qu'elles représentent. Nous devrions oeuvrer de conserve pour préserver ce sentiment de fierté.
Honorables sénateurs, j'espère que cette tendance observée en Ontario ne se reproduira pas dans les autres provinces.
[Français]
Projet de loi sur la Loi électorale du Canada
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois.
(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture duprojet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dujeudi 2 mars 2000.)
[Traduction]
(1410)
Le Mois de l'histoire des Noirs de l'an 2000
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, la journée d'aujourd'hui marque la fin du Mois de l'histoire des Noirs. Ce fut un mois extraordinaire. Depuis quatre semaines, des centaines d'activités ont été organisées à l'échelle du Canada pour célébrer l'histoire de l'Afrique noire, dont nous reconnaissons l'importance. Je pense bien que, pour la plupart, ces activités ont connu beaucoup de succès.
Il m'est souvent demandé d'expliquer en quoi l'histoire des Noirs revêt un caractère spécial pour qu'il faille la célébrer pendant un mois entier. À cela, je réponds que pendant de nombreuses années, l'histoire et les réalisations des Noirs ont été reléguées à l'arrière-plan et parfois même récusées par d'éminents universitaires et historiens occidentaux. Les manifestations culturelles, les expositions, les conférences, les visionnements de films et les activités politiques organisés dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs rendent hommage à l'histoire et à la contribution des Canadiens de race noire à la création de la nation canadienne. Cela permet à nos concitoyens noirs de se situer dans la société canadienne, d'en tirer toute la fierté voulue et de poursuivre l'action de leurs ancêtres.
Cette année, j'ai eu l'honneur de participer à 14 grandes manifestations marquant le Mois de l'histoire des Noirs, dans des écoles et collectivités de la Nouvelle-Écosse, du Québec et de l'Ontario. Je prononcerai également des discours sous peu à Vancouver et à Saint John. Les activités de ce mois-ci se sont terminées la semaine dernière par un dîner à Toronto, samedi soir, pour rendre hommage aux 17 juges noirs de tout le pays dont la présence au sein de notre système de justice canadien et le rôle important qu'ils assument nous rappellent bien que peu importe la difficulté de l'objectif à atteindre, il est toujours réalisable. J'ai été enfin appelé à prendre la parole dimanche avec l'auteur canadien bien connu George Eliot Clark, au Chelsea Club, ici, à Ottawa. J'ai parlé à cette occasion de l'importance pour tous ceux d'entre nous qui sont d'origine africaine de comprendre notre véritable patrimoine et nos véritables racines, si nous voulons avoir une identité complète et nous trouver.
En tant que sénateur de race noire, il m'incombe notamment d'aider à faire tomber les barrières du racisme systémique, afin de faire de ce pays un meilleur endroit où vivre pour tous les Canadiens. Je crois que le Sénat aurait pu mieux marquer le Mois de l'histoire des Noirs. Le leader du gouvernement au Sénat aurait pu, par exemple, utiliser ce mois pour lancer une «enquête» afin d'établir les problèmes et les préoccupations des Noirs au Canada et d'y répondre. Nous savons que les problèmes sont bien réels. Arrêtons-nous un instant sur la question du chômage. Alors que le taux de chômage national est à l'heure actuelle de 8 p. 100, dans les collectivités noires, surtout en Nouvelle-Écosse - et le leader du gouvernement au Sénat le sait pertinemment -, les taux de chômage sont de près de 35 p. 100.
Les Canadiens, Noirs et Blancs, ont tendance à voir les horreurs du racisme aux États-Unis en se disant que des choses comme cela ne pourraient jamais se produire au Canada. Je rappelle aux sénateurs le récent acquittement de quatre policiers de New York accusés de meurtre pour avoir tiré à 41 reprises sur un immigrant africain non armé. Le jeune homme, qui ne faisait absolument rien de mal, a été atteint de 19 balles à l'entrée de son appartement. Les gens croient que de telles atrocités ne se sont jamais produites au Canada, mais il n'en est rien, et nous avons nous-mêmes à réparer nos propres travestissements de la justice. C'est la raison pour laquelle la reconnaissance du Mois de l'histoire des Noirs est si importante pour la croissance continue, le développement et le succès de notre pays. En effet, comme le dit le dicton, il faut connaître son passé pour connaître son avenir.
Aujourd'hui, alors que le Mois de l'histoire des Noirs del'an 2000 se termine officiellement, j'encourage les honorables sénateurs à se joindre à moi pour maintenir bien vivace l'esprit de ce mois toute l'année. Le fait de souligner les contributions et les réalisations de tous durant toute l'année va aider à favoriser l'unité au Canada dans l'intérêt de tous les Canadiens à l'avenir.
Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais présenter le page de la Chambre des communes qui se trouve parmi nous cette semaine dans le cadre du programme d'échange. Il s'agit de Kaija Belfry, de Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard. Kaija est inscrite à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa et se spécialise en sciences politiques.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Nous espérons que ce séjour parmi nous cette semaine vous aidera dans vos études de sciences politiques. Le Sénat est un lieu d'apprentissage fantastique.
AFFAIRES COURANTES
Documents budgétaires
Dépôt
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 28(3) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, certains documents reliés au budget que j'énumérerai dans l'ordre de leur dépôt. Premièrement, «Le discours du budget»; deuxièmement, «Le budget en bref»; troisièmement, «Le Plan quinquennal de réduction des impôts»; quatrièmement, «Permettre à l'économie canadienne d'innover davantage»; cinquièmement, «Améliorer la qualité de vie des Canadiens et de leurs enfants»; sixièmement, «Le Plan budgétaire de 2000»; septièmement, «Aperçu»; huitièmement, «Allégements fiscaux pour les Canadiens»; neuvièmement, «Nos enfants, notre avenir»; dixièmement, Avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu; onzièmement, Avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi sur la taxe d'accise; douzièmement, Avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi sur les douanes et, treizièmement, Avis des voies et des moyens visant à modifier la Loi sur les mesures spéciales d'importation.
Régie interne, budgets et administration
Présentation et impression en annexe du sixième rapport du comité
L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le sixième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration concernant les budgets des comités du Sénat pour l'année financière 1999-2000.
(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 377)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Rompkey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
L'état du système de santé
Présentation du rapport du comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie demandant l'autorisation d'engager du personnel
L'honorable Michael Kirby, président du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant:
Le mardi 29 février 2000
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son
CINQUIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé le 16 décembre 1999 à examiner pour en faire rapport l'état du système de santé au Canada, propose respectueusement qu'il soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau et autres personnes nécessaires pour son étude.
Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, sont annexés au présent rapport le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport de ce dernier sur le budget en question.
Respectueusement soumis,
Le président,
MICHAEL KIRBY
(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 384 )
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Kirby, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1420)
LE SÉNAT
Avis de motion visant à autoriser le greffier à payer les frais de déplacement des témoins
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 1er mars 2000, je proposerai:
Que le greffier du Sénat soit autorisé à payer les frais de déplacement de M. Wesley Cragg et de Mme Bronwyn Best, de Transparency International Canada, qui ont comparu devant le comité plénier le 3 décembre 1998, dans le cadre de son étude du projet de loi S-21, Loi concernant la corruption d'agents publics étrangers et la mise en oeuvre de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales et modifiant d'autres lois en conséquence.
Peuples autochtones
Avis de motion visant à autoriser le comité à engager du personnel
L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 1er mars 2000, je proposerai:
Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur des projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été déférés.
Le budget de 2000
L'exposé du ministre des Finances- Avis d'interpellation
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 21 mars 2000, j'attirerai l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communesle 28 février 2000.
Les données du recensement
Présentation de pétitions
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions comprenant 244 signatures de membres de l'Association généalogique de Nouvelle-Écosse et de la section du comté de Lambton de l'Association généalogique de l'Ontario. Les pétitionnaires demandent ce qui suit:
Vos pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter une mesure législative visant à préserver les données de recensement postérieures à 1901, à les confier aux Archives nationales ainsi qu'à rendre ces données et toutes les données de recensement futures accessibles au public après 92 ans, comme il convient présentement de le faire selon les nombreuses dispositions de la législation relative à la protection de la vie privée et les délais en vigueur.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La santé
Les transferts fédéraux aux provinces
L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Notre dernier échange sur ce sujet remonte à l'époque où il me posait des questions. Maintenant, c'est l'inverse.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il a probablement obtenu une meilleure réponse à l'époque.
Le sénateur Buchanan: Il a toujours obtenu des réponses claires.
Le sénateur Lynch-Staunton: La question était-elle claire?
Le sénateur Graham: Le sénateur Graham voudrait peut-être obtenir la réponse avant de poser la question.
Le sénateur Buchanan: On ne sait jamais. Le ministre me l'a peut-être donnée. Notre groupe de la Nouvelle-Écosse était si cordial que cela se passait ainsi parfois.
Honorables sénateurs, il y a quelques années, quand le sénateur Boudreau était ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse, il venait à Ottawa discuter avec le ministre des Finances du Canada du gel des fonds que le gouvernement fédéral transférait aux provinces au titre de la santé. Sous la direction de John Savage, le gouvernement provincial de l'époque voulait que les fonds qui avaient été gelés par le gouvernement fédéral soient rétablis et transférés aux provinces en 1995, 1996, 1997 et après. Est-ce que le ministre s'en souvient?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, oui, je me souviens avec une certaine nostalgie des périodes de questions dont parle le sénateur. Il était beaucoup plus agréable pour moi de poser des questions que de devoir maintenant fournir des réponses.
Honorables sénateurs, je me souviens également des discussions que nous avons eues, lorsque j'étais ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse, avec le ministre fédéral des Finances et d'autres responsables des réductions, pendant plusieurs années, du montant des transferts versés à la Nouvelle-Écosse. Bien sûr, je m'y opposais avec force à l'époque, comme on pouvait s'y attendre, compte tenu surtout de la situation particulière dans laquelle se trouvait le gouvernement provincial. Cependant, j'ai reconnu - et je l'ai fait publiquement à l'époque, au grand dam de certains de mes collègues - qu'il fallait d'abord, pour le bien du pays, que le gouvernement fédéral réduise son déficit et assainisse ses finances, sans quoi, la Nouvelle-Écosse et toutes les autres provinces souffriraient constamment.
Honorables sénateurs, le déficit n'est plus et le gouvernement fédéral a mis de l'ordre dans ses finances. Étant donné que nous en sommes au premier d'une série de budgets affichant un excédent, chose dont nous n'avons pas vu l'équivalent au Canada depuis une cinquantaine d'années, nous devons maintenant examiner certaines de ces réductions et envisager des travaux de restauration. C'est précisément ce qu'a fait le ministre des Finances dans le budget actuel. Le ministre des Finances Martin réinjectera 2,5 milliards de dollars dans les soins de santé sur plusieurs années. J'ai appris que si l'on tient compte des transferts de points d'impôt et des versements en espèces qui auront lieu au cours du prochain exercice financier, les transferts aux provinces seront plus élevés qu'ils ne l'ont jamais été. Je crois que le ministre des Finances mérite d'être félicité pour avoir rétabli cet équilibre et les transferts en espèces au moment où le gouvernement canadien était en mesure de le faire.
Le sénateur Buchanan: Je comprends la réponse du leader du gouvernement. Les propos qu'il tient aujourd'hui ne sont certes pas les mêmes que ceux qu'il tenait comme ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Kinsella: C'est la politique.
Le sénateur Buchanan: Non, nous ne nous livrons pas au jeu de la politique en Nouvelle-Écosse.
Le budget-L'attribution des transferts fédéraux aux provinces
L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, je récapitule. Le leader du gouvernement vient d'affirmer que le ministre fédéral des Finances rétablit maintenant des fonds qui étaient gelés depuis cinq à sept ans.
Dans les provinces atlantiques, tous les ministres des Finances et tous les premiers ministres, y compris le premier ministre Brian Tobin, que j'écoutais hier soir à la télévision, disent que ces provinces font face à un problème. Le premier ministre Tobin s'est réjoui de certains aspects du budget, mais il n'était pas heureux des sommes destinées aux soins de santé et à l'éducation. Il a même eu une réaction un peu dure à ce sujet, et à juste titre.
La Nouvelle-Écosse, par exemple, dépense actuellement en soins de santé environ 500 millions de dollars de plus qu'en 1996. Cela est principalement attribuable au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le budget actuel annonce un paiement de 75 millions de dollars à la Nouvelle-Écosse au cours des quatre prochaines années. Ce montant s'applique non seulement à la santé, mais aussi à l'éducation. Le montant qu'Ottawa versera à la Nouvelle-Écosse et aux autres provinces de la région atlantique n'est même pas aussi élevé que ce qu'elles ont reçu l'an dernier.
Honorables sénateurs, comment le leader du gouvernement au Sénat peut-il affirmer que ce budget fédéral transfère des fonds aux provinces au titre de la santé, des fonds que le gouvernement fédéral leur a enlevés au cours des cinq à sept dernières années?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les dépenses supplémentaires au titre de la santé en Nouvelle-Écosse, et ailleurs également je suppose, ont été assez importantes. En fait, la croissance des dépenses au titre de la santé y a presque toujours atteint les deux chiffres au cours des dernières années. Je ne me souviens que de quelques années où il n'y a pas eu croissance. Je ne crois pas que la croissance des dépenses au titre de la santé ait un rapport avec les paiements de transfert.
(1430)
Comme l'a dit le ministre des Finances hier soir, le mécanisme global des paiements de transfert du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux n'est pas nécessairement la seule façon de répondre aux besoins en matière de soins de Santé. En fait, le ministre a bien précisé que le gouvernement fédéral serait présent à la prochaine conférence des ministres de la santé pour discuter d'une aide très ciblée dans le domaine des soins de Santé. Je crois que c'est là une approche plus positive pour une province comme la Nouvelle-Écosse.
L'honorable sénateur et moi-même sommes très attachés au gouvernement de la Nouvelle-Écosse, et nous pourrions peut-être demander à nos collègues qui n'ont pas les mêmes liens avec cette province d'être indulgents envers nous. En vertu de la formule actuelle, une infime partie des transferts globaux du TCSPS du gouvernement fédéral ira à la Nouvelle-Écosse. C'est la conséquence de la formule qui a été acceptée par les premiers ministres provinciaux et le gouvernement fédéral. J'espère que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et les autres gouvernements provinciaux discuteront avec le gouvernement fédéral et se pencheront tout particulièrement sur certains problèmes pressants dans le domaine de la santé.
Le sénateur Buchanan: Honorables sénateurs, je ne vois pas de problème à ce que les ministres provinciaux de la Santé se réunissent avec le ministre Rock. Au cours des 13 années où j'ai été premier ministre, cela s'est probablement produit chaque année. Certaines années, nous obtenions des fonds additionnels, et d'autres années, non. Lorsque le leader du gouvernement était ministre des Finances en Nouvelle-Écosse, le même genre de chose a dû se produire, et cela a dû se produire également dans le cas de Don Downe ces dernières années.
Lorsque le ministre de la Santé, Jamie Muir, prendra place autour de la table avec les autres ministres de la Santé et le ministre fédéral de la Santé, je me demande s'il y aura plus que 2,5 milliards de dollars, un montant qui, nous devons le rappeler, est étalé sur quatre années et concerne également l'éducation.
Quel avantage la Nouvelle-Écosse a-t-elle à s'asseoir avec le ministre fédéral de la Santé s'il n'y a que 75 millions à espérer pour les quatre prochaines années? Cela ne suffit même pas à combler le déficit de l'année dernière. Y a-t-il de l'argent neuf? Sinon, de quoi les ministres parleront-ils?
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, il y a d'autres programmes décrits dans le budget qui permettront d'octroyer des fonds pour la santé et l'éducation à la Nouvelle-Écosse et aux autres provinces. Dans le cadre du programme des chaires d'excellence en recherche, des centaines de millions de dollars seront investis en éducation dans toutes les provinces, y compris la Nouvelle-Écosse. Cette dernière devrait en bénéficier dans une large mesure, car nous avons un grand nombre d'universités par rapport au chiffre de la population de la province. Voilà une possibilité.
En matière de santé également, le budget prévoit des fonds destinés aux Instituts canadiens de recherche en santé, qui seront chargés de canaliser des fonds dans des initiatives provinciales dans le domaine de la santé.
Quant aux autres domaines que l'honorable sénateur a mentionnés, je ne puis que répéter deux choses que j'ai entendues hier de la bouche du ministre des Finances et qui m'ont paru très encourageantes. Premièrement, le ministre des Finances a dit que ce qui était énoncé dans un plan pluriannuel représentait la participation minimum de la part du gouvernement du Canada. Je suis persuadé qu'à mesure que nous avancerons, nous pourrons ajouter à ce minimum dans pratiquement tous les domaines. Deuxièmement, il y a dans le domaine de la santé et de l'éducation des questions qui relèvent essentiellement des provinces et que nous devons aborder avec prudence. Cependant, je trouve encourageant que le ministre des Finances ait dit que le gouvernement fédéral consulterait les ministres de la Santé des provinces pour voir quels étaient leurs besoins et pour voir si on pouvait parvenir à un consensus sur les mesures à prendre. Il a dit qu'il était prêt à y mettre de l'argent et je trouve cela encourageant.
Le sénateur Buchanan: Honorables sénateurs, c'est très encourageant, mais si le gouvernement veut seulement jongler avec les sommes annoncées hier soir, cela ne sera pas d'un grand secours.
Je prends note des autres programmes mentionnés par le leader du gouvernement, mais le plus important est celui qui concerne les hôpitaux. Il faut éliminer les déficits accumulés par tous les hôpitaux dans les provinces atlantiques. Pour la plupart, ils sont le résultat du gel du TCSPS décrété par le gouvernement du Canada. Je trouve encourageant d'entendre que lorsque le ministre Rock rencontrera ses homologues provinciaux, ils parleront non seulement des sommes annoncées hier soir, mais aussi de sommes additionnelles.
Les transports
Le budget-L'attribution de fonds destinés à l'infrastructure-Le financement de la route 101 en Nouvelle-Écosse
L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, j'ai une autre question pour le leader du gouvernement au Sénat, celle-ci au sujet de la route 101. Si je me souviens bien, du temps où le leader du gouvernement était ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse - et du temps de Don Downe et de plusieurs autres ministres des Transports -, le gouvernement fédéral s'était engagé à fournir de l'argent pour la construction de la route 101 entre Mount Uniacke et Cole Brook, et peut-être même plus loin.
Le budget d'hier prévoit 30 millions de dollars au titre de l'infrastructure en Nouvelle-Écosse, ce qui inclut les égouts, les aqueducs et les routes. Ce n'est pas avec cela qu'on améliorera la route 101. Depuis 1993, plus de 50 personnes sont mortes sur cette route. Je sais que le leader du gouvernement comprend la situation car pendant des années, jusqu'à l'an dernier, lui et ses homologues n'ont cessé de demander des fonds au gouvernement fédéral pour faire de la route 101 une autoroute à quatre voies. Cette somme ne suffit pas.
Le gouvernement fédéral est-il prêt à honorer son engagement à octroyer des fonds pour la route 101, à raison de 50 p. 100 des sommes nécessaires?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le budget renferme un engagement important concernant l'infrastructure, dont il vient d'être question. Il prévoit aussi d'autres fonds pour l'infrastructure dans les domaines de l'environnement, notamment pour des systèmes municipaux d'égout et d'aqueduc ou d'évacuation des déchets. Le budget fait aussi état d'un programme d'infrastructure d'un milliard de dollars réparti sur plusieurs années pour des installations fédérales.
Je n'ai pas encore eu l'occasion de discuter avec le ministre des Finances des fonds dont il disposera ni des pourparlers qu'il aura avec les provinces. Je compte faire cela d'ici quelques jours. J'espère que le plus de fonds possible seront affectés au réseau routier et qu'une partie de l'argent ira à la Nouvelle-Écosse.
Les pêches et les océans
Le budget-L'attribution de fonds à la Nouvelle-Écosse et à la recherche sur la côte est
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement et porte sur les dispositions du budget concernant la question des pêches. Comme le leader du gouvernement le sait, les pêches représentent toujours une ressource extrêmement importante pour la population du Canada atlantique. Sauf erreur, le ministère des Pêches et des Océans recevra un montant additionnel de320 millions de dollars au cours des trois prochaines années pour raffermir les activités de recherche et de sauvetage, réparer des quais qui sont en bien mauvais état et régler de graves problèmes pour la santé dans certains laboratoires.
(1440)
Ma première question au leader est la suivante: combien d'argent sera affecté à la région atlantique, en particulier à la Nouvelle-Écosse? Voici ma deuxième question: dans ce budget, où est l'argent pour la recherche qui s'impose dans le but de préserver nos stocks de poisson qui diminuent toujours?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour ce qui est de la première question que pose l'honorable sénateur, ce dernier comprendra que je n'ai pas les détails du programme. Le budget fait état du montant de 320 millions de dollars sur trois ans. Quant à la manière dont il sera réparti selon les provinces, j'ignore si ces renseignements ont été communiqués, même si je suis certain qu'ils sont disponibles. Je vais voir ce que je peux faire pour obtenir des précisions pour l'honorable sénateur.
L'initiative servira notamment à veiller à ce que le gouvernement fédéral participe aux efforts visant la préservation de nos ressources et le maintien de la sécurité dans les eaux canadiennes sur les deux côtes. Bien sûr, certains des principaux défis auxquels nous sommes confrontés surviennent sur la côte est.
Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, ma question ne concerne pas la sécurité, mais l'argent consacré à la recherche. Les recherches sont nécessaires parce que, comme le ministre le sait, nous n'avons plus de pêche à la morue au Canada atlantique. Notre secteur de la pêche aux pétoncles est surexploité, tout comme celui de la pêche aux poissons de fond. Où sont les fonds qui devraient servir à la recherche qui nous aiderait à préserver ces ressources halieutiques déclinant rapidement?
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je vais tenter d'obtenir la meilleure ventilation géographique possible, ainsi que les informations concernant la répartition des ressources au cours des trois prochaines années dans les divers programmes. En particulier, je me renseignerai sur les efforts de préservation de la ressource sur les deux côtes du pays. Je communiquerai dès que possible ces renseignements au sénateur.
Le budget-L'attribution de fonds destinés à la côte est-Le point de vue du leader du gouvernement
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, le ministre peut-il nous dire si le ministre des Finances l'a consulté pour l'élaboration des dispositions du budget en ce qui concerne l'élaboration des dispositions du budget concernant les pêches? Le ministre a-t-il défendu les pêches de la côte est pour veiller à ce qu'elles reçoivent leur juste part du financement dans le budget?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je puis répondre catégoriquement oui aux deux questions. J'ai été consulté et j'ai défendu les intérêts des pêches de l'Atlantique du mieux que j'ai pu. L'affectation de 320 millions de dollars aux nouveaux programmes est très importante en ce qui concerne les pêches de la côte est.
La défense nationale
Le budget-La répartition des fonds
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le gouvernement a envoyé une sorte de bouée de sauvetage aux Forces armées canadiennes sous forme de quelque 1,7 milliard de dollars au cours des trois prochaines années. Les forces ont besoin d'un milliard de dollars de plus environ pour couvrir les coûts des opérations et de l'entretien ainsi que ceux de la formation, où il y a un manque de fonds. Elles ont besoin d'un montant supplémentaire d'un milliard de dollars par année pour leurs programmes d'immobilisations au cours des cinq à six prochaines années. Cependant, elles ne recevront que 1,7 milliard de dollars sur trois ans alors qu'elles ont besoin d'au moins2 milliards de dollars, voire de 3 milliards de dollars par an, simplement pour revenir au niveau d'il y a cinq ou six ans.
À quoi exactement le gouvernement consacrera-t-il cette somme imprévue? C'est d'une importance cruciale pour la structure des forces de la Défense nationale partout au pays. Où le gouvernement prévoit-il couper encore pour maintenir la viabilité opérationnelle des Forces armées canadiennes?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les chiffres relevés dans le budget pour la Défense nationale donnent un total de2 329 milliards de dollars en quatre ans, ce qui peut expliquer la petite différence. Tout indique que les dépenses serviront trois grands objectifs: premièrement, appuyer nos opérations de maintien de la paix déjà en place qui continueront de se dérouler durant la période en cause, deuxièmement, améliorer la qualité de vie de ceux qui servent dans nos forces armées et troisièmement, moderniser notre matériel.
Quant à la répartition exacte des sommes, je suis convaincu que le ministre de la Défense nationale l'expliquera en détail au cours des jours et des semaines à venir. Aujourd'hui, en ce lendemain de la présentation du budget, c'est la répartition la plus détaillée que je puisse fournir au sénateur.
Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je sais que le ministre ne voudrait pas laisser une certaine confusion dans l'esprit des Canadiens. Il faut de l'argent pour régler les problèmes sociaux et sanitaires des militaires de grades inférieurs, surtout ceux qui n'ont pas reçu les généreuses augmentations de salaire qui ont été accordées aux hauts gradés. Ces sommes étaient sans doute nécessaires, mais ces primes et récompenses ont été versées aux dépens des soldats et des caporaux. Je remercie le ciel de n'avoir pas eu à prendre cette mesure car je serais un peu mal à l'aise maintenant.
Pour que tout soit bien clair, cette somme de 300 millions de dollars qui doit servir à redresser certaines situations, par exemple payer nos militaires pour qu'ils n'aient plus à fréquenter les soupes populaires ou à faire la queue aux banques d'alimentation, cette somme fait-elle partie du 1,7 milliard de dollars ou s'ajoute-t-elle à ce montant de 1,7 milliard de dollars?
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je ne suis pas certain de pouvoir répondre exactement au sénateur. Le chiffre que j'ai est celui de 2,329 milliards sur quatre ans, et j'ai une description générale de la répartition de cette dépense.
Je reconnais, comme le sénateur, que ce financement additionnel ne règle pas tous les problèmes. À mon avis, ce ne sera pas le dernier effort du gouvernement à l'égard des Forces canadiennes. Ce financement représente un tournant pour les forces et il s'ajoute à d'autres acquisitions d'immobilisations importantes effectuées récemment. Je crois que c'est un excellent point de départ.
Comme l'a indiqué dans son discours le ministre des Finances, nous avons affaire à des programmes pluriannuels. Cependant, il a précisé que, aux fins du système de budget, il procéderait selon une cible mobile de deux ans. Comme il l'a laissé entendre, il espère pouvoir accorder une aide supplémentaire aux divers domaines exposés dans son budget.
Ce montant va constituer une bonne nouvelle pour les membres de nos forces armées. Ils reconnaissent qu'il faut plus. Toutefois, il s'agit d'une mesure importante.
Le budget-Les fonds destinés au remplacement des hélicoptères Sea King
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, il s'agit de beaucoup d'argent. Quand je suis arrivé à Ottawa, le budget total du gouvernement, pour les dépenses légales et autres, était de l'ordre de 6 milliards de dollars. Selon moi,1,7 milliard de dollars, c'est beaucoup d'argent. Le budget ne fait aucunement mention de fonds destinés au programme de remplacement des Sea King. Lorsqu'on l'a interrogé, le ministre des Finances a déclaré que le remplacement n'aurait pas lieu au cours de cette année fiscale. Quelqu'un doit être désavantagé sur cette question de remplacement des Sea King. L'autre jour, j'ai demandé pourquoi nous ne participions pas à certaines manoeuvres et à certains programmes de formation. Je pense que la réponse est claire.
Le leader du gouvernement a-t-il obtenu des informations de la part du ministre de la Défense nationale ou du bureau chargé des appels de propositions pour le remplacement des hélicoptères Sea King qui le porteraient à croire que ce programme pourrait être mis en oeuvre le printemps prochain? Allons-nous devoir attendre le budget prochain?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas encore obtenu d'informations quant au fait que des dépenses pour les biens d'équipement en question seraient faites dans le cadre de ce nouveau grand engagement en matière de financement. Comme l'a fait remarquer l'honorable sénateur, même si on prenait dès demain la décision de procéder le plus rapidement possible à l'acquisition d'hélicoptères pour remplacer les Sea King, ces hélicoptères n'arriveraient pas ici durant le prochain exercice.
(1450)
Le sénateur Forrestall: Le ministre fait une mauvaise interprétation. On avait promis les hélicoptères dans au plus cinq ans, mais cinq ans, c'était l'an dernier. Cela fait maintenant six ans que cette promesse a été faite, n'est-ce pas? Depuis combien d'années la promesse a-t-elle été faite? Sept ou huit ans? Les aurons-nous un jour?
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, tout ce que je peux dire pour le moment, c'est que des sommes respectables sont prévues pour la défense dans le budget. Je peux également répéter que le ministre de la Défense nationale a déclaré que c'était sa première priorité. Il parlait dans le cadre d'une entrevue donnée ce matin et il semblait très catégorique au sujet de ses priorités. J'espère que nous pourrons faire part de nouvelles plus précises très bientôt.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, il ne reste que deux minutes à la période des questions. J'ai les noms de six sénateurs sur ma liste, mais je n'accepterai que deux autres questions.
Les transports
Le budget-L'attribution de fonds destinés à l'infrastructure routière au Nouveau-Brunswick
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, les Néo-Brunswickois, comme les Néo-Écossais et d'autres Canadiens, ont suivi le discours du budget avec intérêt. Au sujet des fonds destinés à l'infrastructure dans le discours, notamment d'un milliard de dollars répartis sur six ans pour le réseau routier et la construction de routes, le ministre reconnaît-il que le vrai montant serait plutôt150 millions de dollars? Dans ce cas, une fois cette somme répartie entre les provinces, combien les habitants du Nouveau-Brunswick peuvent-ils espérer recevoir et combien de kilomètres de routes cette somme peut-elle construire?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, une somme précise est réservée pour l'infrastructure routière. Cependant, le programme prévoit aussi d'autres sommes. Quand il atteindra son plein déploiement, le programme offrira environ 550 millions de dollars en fonds fédéraux.
Je n'ai pas eu la chance de discuter en détail de cette affaire avec le ministre des Transports ni de lui demander si une partie des fonds additionnels destinés à l'infrastructure servirait à la construction de routes, advenant que telle était la priorité indiquée par la province. Cette question n'a absolument pas été clarifiée. Toutefois, j'ose croire que nous pourrons accroître cette somme, qu'il s'agisse de 150 millions de dollars ou d'une partie des 550 millions de dollars. Cela reste à clarifier.
Le sénateur Kinsella: Le sénateur est un ministre régional aussi bien que le ministre qui représente ici le gouvernement. Les Canadiens du Nouveau-Brunswick ont examiné les 150 millions de dollars qui sont destinés à la construction de routes. Si l'on répartit cette somme au prorata de la population, le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick estime qu'on pourra construire un kilomètre de nouvelle route. En tant que ministre régional, le sénateur croit-il pouvoir convaincre ses collègues que nous, au Nouveau-Brunswick, avons besoin de plus d'un kilomètre de nouvelle route?
La santé
Le budget-L'attribution des transferts fédéraux aux provinces
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question complémentaire concerne les fonds affectés à la santé. Encore là, les calculs que nous avons faits au Nouveau-Brunswick indiquent que ces fonds représentent la valeur de trois jours d'assurance-maladie au Nouveau-Brunswick. Le ministre pourrait-il dire aux Néo-Brunswickois quels sont les trois jours, au cours de l'exercice 2000-2001, où le gouvernement fédéral paiera pour l'assurance-maladie au Nouveau-Brunswick? Sera-ce notamment le 29 février qui ne se produira pas cette année?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): En fait, il y a un 29 février cette année!
Le sénateur Kinsella: Oui, mais pas au cours de l'exercice.
Le sénateur Boudreau: Comme je l'ai dit en réponse à une autre question, les transferts en espèces et en points d'impôt seront ramenés cette année à leur niveau supérieur des dernières années et l'excéderont même. Cela suppose évidemment que le gouvernement fédéral versera une importante contribution aux gouvernements provinciaux pour les aider à satisfaire les besoins médicaux de leurs administrés. Les gouvernements provinciaux ont la grave responsabilité d'en faire autant. Ils contribueront tous considérablement à la prestation des services de soins de santé.
La contribution fédérale croît sans cesse. La partie monétaire du TCSPS n'a cessé de croître dans les derniers budgets, et elle continuera peut-être de le faire dans les prochains. Je l'espère, en fait. De toute manière, les niveaux sont plus élevés que jamais.
Honorables sénateurs, les gouvernements provinciaux ont reçu du ministre fédéral des Finances et du ministre fédéral de la Santé une réelle indication qu'ils sont disposés à s'asseoir et à discuter des programmes et de la satisfaction de besoins spécifiques. J'encourage les provinces à répondre à ce signal.
Le budget de 2000
Les avantages à long terme pour les contribuables
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je ne poserai pas au leader du gouvernement de question sur le budget qui a été présenté hier par M. Martin. Le ministre Martin fait un pas dans la bonne direction, mais il est très difficile de savoir quand il arrivera à destination. Je voudrais toutefois m'enquérir de certains points particuliers dont il ne semble guère être question dans le budget - c'est-à-dire dans les plans triennal, quadriennal et quinquennal - pour pouvoir faire une comparaison avec le budget de l'an dernier.
Si une personne seule qui a obtenu un diplôme d'études collégiales gagne entre 40 000 $ et 45 000 $ par année, à combien se chiffreront ses économies d'impôt pour cette année et l'an prochain?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je possède certains exemples. Si je n'ai pas l'exemple particulier au sujet duquel le sénateur veut se renseigner, je puis certainement m'engager à l'obtenir auprès du ministère des Finances. Honorables sénateurs, l'exemple que je possède et qui se rapproche le plus, c'est celui d'une famille typique de quatre personnes disposant d'un seul salaire de 40 000 $. La première année, cette famille verra son impôt fédéral sur le revenu réduit de 17 p. 100. À la fin de 2004, cette famille de quatre personnes verra son impôt sur le revenu réduit de 48 p. 100. En nous fondant sur un certain nombre d'hypothèses, nous estimons qu'à la fin de l'exercice financier 2004, les économies d'impôt fédéral sur le revenu de cette famille s'élèveront à 1 623 $.
Cet exemple ne concorde pas parfaitement avec le cas soulevé par l'honorable sénateur, mais si celui-ci veut des réponses concernant des cas particuliers, je suis certain que je peux obtenir pour lui cette information auprès du ministère des Finances.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, nous avons déjà dépassé de dix minutes le temps prévu pour la période des questions. Je ne puis accepter d'autres questions.
Réponses différées à des questions orales
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question que l'honorable sénateur Di Nino et l'honorable sénateur Kinsella ont posée le 15 février 2000 au Sénat au sujet de la Chine, de la détention d'un archevêque catholique et de la demande de clarification de la politique des droits de la personne dans les petits pays par rapport aux grands pays; la réponse à une question que l'honorable sénateur Roche a posée le 22 février 2000 au Sénat au sujet des États-Unis et de la proposition concernant la mise au point d'un système de défense contre les missiles balistiques; la réponse à une question que l'honorable sénateur Murray a posée le 23 février 2000 au Sénat au sujet du projet de loi sur la clarté et de la divisibilité des provinces; et la réponseà une question que l'honorable sénateur Forretall a poséele 24 février 2000 au Sénat au sujet de la participation à l'exercice de guerre anti-sous-marine dans la mer Ionienne.
Les affaires étrangères
La Chine-La détention d'un archevêque catholique- Demande de clarification de la politique des droits de la personne dans les petits pays par rapport aux grands pays
(Réponse aux questions posées par l'honorableConsiglio Di Nino et l'honorable Noël A. Kinsellale 15 février 2000)
La politique canadienne internationale des droits de la personne est basée sur le principe de l'universalité. Le Canada se préoccupe des droits de la personne dans tous les pays du monde, y compris le Canada. Les mesures que le Canada prend varient forcément d'un pays à l'autre, en fonction d'un grand nombre de facteurs complexes: la gravité des atteintes aux droits de la personne; le nombre et la vigueur des ONG locales assurant la défense de ces droits; et la capacité du pays concerné de se doter d'une infrastructure judiciaire, légale et propre à protéger les droits fondamentaux de sa population. Chaque situation et chaque pays présentent des possibilités d'action différentes. Il suffit de trouver le bon outil de politique étrangère qui permette de saisir efficacement ces possibilités.
Le Canada demeure très préoccupé par la situation des droits de la personne en Chine, notamment par le traitement que subissent les chrétiens. Le Canada exprime régulièrement ses préoccupations par toutes les voies qui s'ouvrent à lui, telles que des réunions avec les hauts dirigeants de la Chine et un dialogue régulier avec les fonctionnaires chinois, ainsi qu'en soulevant auprès du gouvernement de la Chine les cas des Chinois qui ont été emprisonnés pour des raisons politiques ou religieuses. Le Canada demande fréquemment au gouvernement de la Chine de mettre fin à la répression de la liberté de religion, d'expression et de pratique spirituelle, et de respecter le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qu'elle a signés.
Un des principaux objectifs de la politique du Canada à l'égard de la Chine est de promouvoir un plus grand respect des droits de la personne en appuyant et en amorçant un changement positif dans les points de vue et les actions de la Chine concernant les droits de la personne. Le Canada a utilisé son dialogue bilatéral sur les droits de la personne avec la Chine pour exprimer ses préoccupations sur un éventail de questions, notamment sur la liberté de religion, et pour souligner la contradiction entre le fait que la Chine ait signé les deux pactes des Nations Unies et son inobservation des normes internationales ayant trait à la liberté de religion, d'expression et d'association.
Lors d'une récente visite en Chine à titre de chef de la Délégation canadienne pour la liberté du culte, le sénateur Lois Wilson a soulevé les préoccupations du Canada au sujet des droits de la personne séparément avec le sous-ministre chinois des Affaires étrangères, M. Yang Jiechi, et le directeur général de la Direction générale des affaires religieuses. De plus, les membres de la délégation ont étudié avec leurs partenaires et représentants de l'Église les défis auxquels continuent de faire face les Églises chinoises. Par suite de la réunion du sénateur Wilson, l'ambassadeur du Canada a rencontré séparément le sous-ministre pour souligner les préoccupations du gouvernement du Canada. Le Canada a également exprimé ses inquiétudes aux représentants de l'ambassade de la Chine au Canada.
En dialoguant, le Canada peut faire connaître aux représentants chinois les normes et les approches internationales en matière de droits de la personne. Les programmes internationaux d'aide au développement qu'offre le Canada font également la promotion de l'amélioration de la société civile en Chine. Il existe plusieurs projets en cours qui ont pour but d'encourager la Chine à réformer ses systèmes juridiques et judiciaires en accroissant la transparence des procédures, et à aider la Chine, en termes très pratiques, dans les efforts ambitieux qu'elle déploie pour enchâsser davantage le concept de la primauté du droit. Les projets comprennent entre autres la formation de juges doyens; l'élaboration d'un système national d'aide juridique; un programme de la société civile visant à renforcer le fonctionnement des organisations communautaires bénévoles et autonomes axées sur les personnes en vue d'engendrer les valeurs de la citoyenneté; et un projet international de mise en application des droits de la personne pour contribuer aux efforts déployés par la Chine pour mettre en oeuvre des pactes internationaux au moyen de recherches stratégiques communes, de la diffusion des renseignements découlant du dialogue, et du développement des stratégies.
En ce qui concerne le cas de Mgr Yang Shudao, l'ambassade du Canada à Beijing a soulevé cette question avec le ministère chinois des Affaires étrangères en exprimant des inquiétudes au sujet de rapports faisant état que celui-ci aurait été détenu pour des raisons religieuses. Ces inquiétudes ont été exprimées dans le contexte de l'échange continu avec les autorités chinoises tel que décrit plus haut.
Les affaires étrangères
Les États-Unis-La proposition de mise au point d'un système de défense contre les missiles balistiques-Demande de renseignements
(Réponse à la question posée par l'honorable Douglas Roche le 22 février 2000)
Les États-Unis sont en train d'élaborer un système national de défense antimissile contre d'éventuelles menaces de ce qu'il est convenu d'appeler les États parias (par exemple: la Corée du Nord, l'Iran, l'Iraq), qui développent des missiles balistiques à longue portée. Ce système assurera la défense contre une attaque d'un nombre limité de missiles et d'ogives. Il n'est pas conçu pour contrer les forces de dissuasion nucléaires de la Russie et en est incapable.
L'administration des États-Unis a fait part de son intention de veiller à ce que le système national de défense antimissile déployé soit conforme au Traité modifié sur les systèmes antimissile balistiques, qui doit faire l'objet de négociations avec la Russie. Les États-Unis poursuivent avec la Russie les discussions à ce sujet. Ils n'ont pas encore pris de décision quant au déploiement d'un tel système, pas plus qu'ils n'ont demandé au Canada d'y participer. Le Canada n'a donc pas pris de position sur cette question.
Le Canada considère le Traité sur les systèmes antimissile balistiques comme une pierre angulaire de la stabilité stratégique à l'échelle mondiale et un élément important du régime de contrôle des armes et de désarmement. Avant de déterminer la position à prendre dans l'éventualité où les États-Unis décideraient de déployer un système national de défense antimissile, le Canada devrait en évaluer les incidences sur le contrôle international des armes, notamment sur le Traité sur les systèmes antimissile balistiques, et prendre en compte d'autres facteurs.
Les affaires intergouvernementales
Le projet de loi sur la clarté- La divisibilité des provinces
(Réponse à la question posée par l'honorable Lowell Murray le 23 février 2000)
Le projet de loi C-20 ne porte pas sur la création d'une nouvelle province, mais plutôt sur la sécession d'une province. Ce projet de loi donne effet à la décision de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi sur la sécession du Québec, où la Cour concluait que toute question afférente, y compris les frontières, pouvait faire l'objet de négociations sur la sécession. Tant qu'une province fait partie du Canada, ses frontières ne peuvent pas être modifiées sans le consentement de cette province, selon l'article 43 de la Loi constitutionnelle de l982. Par conséquent, la Nouvelle-Écosse ne peut pas être divisée aussi longtemps qu'elle fera partie du Canada, à moins que le gouvernement néo-écossais y consente.
De plus, en vertu de l'article 42(1)f), la création d'une nouvelle province nécessite le consentement d'au moins sept provinces représentant 50 p. 100 de la population ou plus. Enfin, l'article 3 de la Constitution de 1971 etl'alinéa 43a) de la Constitution de 1989 fait en sorte qu'aucune des frontières d'une province ne peut être modifiée sans son consentement.
La défense nationale
La participation à l'exercice de guerre anti-sous-marine dans la mer Ionienne
(Réponse à la question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 24 février 2000)
Le Canada est un membre à part entière et actif de l'OTAN. Tel que précisé dans notre politique de défense, le Canada maintient son engagement à participer de temps à autre à la Force navale permanente de l'OTAN en Méditerranée. Bien qu'il n'y ait présentement aucun navire assigné à la Force navale permanente en Méditerranée, un Aurora des Forces canadiennes participe à l'exercice.
(1500)
ORDRE DU JOUR
Le financement de l'enseignement postsecondaire
Interpellation-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Atkins, attirant l'attention du Sénat sur le financement de l'enseignement postsecondaire au Canada, particulièrement la partie du financement que supportent les étudiants, en vue d'élaborer des politiques qui viseront à amoindrir le fardeau des dettes des étudiants au niveau postsecondaire au Canada.-(L'honorable sénateur DeWare ).
L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, j'interviens avec enthousiasme aujourd'hui pour appuyer l'interpellation faite par l'honorable sénateur Norman Atkins au sujet du financement de l'enseignement postsecondaire au Canada.
En premier lieu, je voudrais remercier le sénateur Atkins d'avoir reconnu l'urgence d'aborder ce dossier crucial, d'avoir proposé des solutions constructives et d'avoir suscité ce débat si important à la Chambre. Après avoir sabré dans les paiements de transfert aux provinces en matière d'enseignement postsecondaire, le présent gouvernement a fait quelques pas timides en faveur des étudiants canadiens. Le budget d'hier s'inscrit dans cette démarche. Or, ce sont des pas de géant qu'il faut faire pour aider véritablement les étudiants du postsecondaire, leurs familles et l'économie canadienne.
Honorables sénateurs, je porte un intérêt personnel aux questions relatives à l'enseignement postsecondaire. J'ai été membre du comité spécial du Sénat sur l'enseignement postsecondaire qui a soumis son rapport en décembre 1997. J'ai également occupé le poste de ministre de l'Éducation supérieure et de la Formation au Nouveau-Brunswick. Dernière raison mais non la moindre, en tant que grand-mère de plusieurs étudiants d'université et de récents diplômés, je comprends les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes qui veulent poursuivre leurs études.
Je me rappelle très bien les années d'après-guerre, auxquelles a fait allusion le sénateur Atkins dans son discoursdu 22 février 2000. Pendant que le Canada se préparait à une ère de paix et de stabilité, notre gouvernement national, dans sa grande sagesse, a reconnu qu'il avait un grand rôle à jouer lorsqu'il s'agissait de s'assurer une main-d'oeuvre éduquée, un main-d'oeuvre qui pourrait contribuer à la prospérité du Canada et à l'obtention d'un haut niveau de vie pour ses citoyens.
Aux termes de la Loi sur la réadaptation des anciens combattants, mon mari, Ralph, était admissible à une somme lui permettant de poursuivre ses études de dentiste. Tant qu'il se maintenait dans le premier quart de sa classe, ses cours universitaires étaient payés. Comme d'autres étudiants mariés, il recevait également une allocation de subsistance de 100 $ par mois, plus 11 $ pour chaque enfant, et nous en avions deux à l'époque. Il s'agissait d'années difficiles. Nous vivions dans un petit appartement universitaire dans le secteur riverain d'Halifax, sans téléphone, car nous n'en avions pas les moyens. Il était difficile de se nourrir et de se loger. Parfois, nous devions compter sur la générosité de nos familles. Cependant, nous nous en sommes sortis et nous étions reconnaissants du fait que Ralph avait l'occasion de se lancer dans une nouvelle carrière, sinon nous n'aurions jamais pu l'envoyer à l'université pour qu'il devienne dentiste. Il a réussi grâce à un gouvernement prévoyant à l'époque et à son travail acharné. Il a eu une carrière longue et productive.
Je compatis vraiment avec les jeunes qui entreprennent des études à l'heure actuelle. Des études postsecondaires sont tout simplement impossibles pour beaucoup d'entre eux, à cause des coûts énormes et du manque de soutien gouvernemental. Ainsi, ils risquent d'éprouver des difficultés tout au long de leur vie, alors qu'ils essaieront de faire vivre leurs familles avec des salaires bas et des emplois peu satisfaisants. Ceux qui obtiennent un diplôme ont souvent, à la fin de leurs études, d'énormes dettes qui peuvent les empêcher d'acheter une maison ou une automobile, de se marier ou d'élever une famille.
Par l'entremise de ses impôts, mon mari a remboursé bien des fois l'investissement initial du gouvernement. Je crois que comme les autres qui ont profité du programme pour les anciens combattants, il a remboursé cet investissement d'autres façons, en contribuant à la force des collectivités de tout le Canada et à la santé économique de notre nation.
Malheureusement, le gouvernement actuel adopte un point de vue beaucoup plus étroit à l'égard de l'enseignement postsecondaire. En fait, c'est un point de vue à si court terme que la politique du gouvernement conduit nos collèges et nos universités à une crise financière. Ce sont les étudiants qui doivent payer la note. La Fondation des bourses du millénaire était censée être une initiative politique grandiose, mais elle ne fait rien pour s'attaquer au sous-financement des universités et aide très peu les étudiants. Malgré une sensibilisation accrue de la population et des demandes répétées d'actions, le premier ministre et son Cabinet ne semblent pas vraiment reconnaître l'importance de l'enseignement postsecondaire pour l'économie du Canada et pour la qualité de vie dont nous jouissons.
Cette importance a déjà été bien documentée dans diverses études. Le comité sénatorial spécial sur l'enseignement postsecondaire a effectué une étude de ce genre. Plutôt que de réinventer la roue, je voudrais partager avec vous certaines des observations qui sont faites dans le rapport en question. En particulier, je crois que cela résume très bien les diverses façons dont l'enseignement postsecondaire profite à notre pays et à ses habitants.
Voici un extrait du «Rapport du Sénat sur l'enseignement postsecondaire au Canada», qui précise notamment à la page 6 que:
[...] l'enseignement postsecondaire apporte des avantages économiques aussi bien aux particuliers, dont il accroît le capital humain, qu'à la société en général. Les premiers gagnent grâce à des revenus plus élevés tirés d'emplois plus stimulants, à de moins grands risques de chômage et, le cas échéant, à de moins longues périodes d'inaction. Pour sa part, la société y gagne grâce à une main-d'oeuvre informée, plus productive et plus souple, à une assiette fiscale élargie, à une réduction des dépenses d'aide et, ce qui est peut-être encore plus important, grâce à la multitude des façons par lesquelles ces citoyens éduqués peuvent améliorer et relever leur propre système social.
L'étude du comité sénatorial spécial sur l'enseignement postsecondaire conclut que l'enseignement postsecondaire revêt «une très grande importance nationale».
J'oserais dire que l'enseignement postsecondaire n'a jamais revêtu une importance plus grande que maintenant pour l'avenir du Canada. Nous faisons désormais partie d'une économie mondiale sans cesse plus fondée sur les connaissances, et rien ne pourra changer cette réalité. Il existe une demande croissante de compétences en haute technologie et l'acquisition de celles-ci exige des études et une formation poussées et une formation permanente. Les sociétés envisageant la possibilité d'investir au Canada doivent pouvoir compter sur une population active possédant les études et les compétences recherchées. Si le Canada n'est pas en mesure de leur fournir assez de travailleurs qualifiés, ces sociétés iront tout simplement ailleurs. Les emplois, les recettes fiscales et les retombées économiques disparaîtront avec elles. Parallèlement, le nombre de personnes désireuses de poursuivre des études postsecondaires augmente beaucoup au fur et à mesure que les enfants des membres de la génération du «baby-boom» vieillissent. Selon un article paru dans le Maclean's du 15 novembre 1999, les inscriptions dans les universités augmenteront de 20 p. 100 et peut-être même plus au cours des dix prochaines années.
En outre, nous ne devrions pas négliger le fait que les établissements d'enseignement postsecondaire du Canada constituent en eux-mêmes une importante source d'emplois et de croissance économique. À titre d'exemple, les quatre universités de ma province d'origine, le Nouveau-Brunswick, représentent ensemble 8 200 emplois et un apport de 476 millions de dollars par année à l'économie provinciale. Comme centres d'acquisition de connaissances et de compétences, les collèges et universités peuvent aussi attirer de nouvelles industries dans une région. Au Nouveau-Brunswick, ces établissements d'enseignement ont récemment servi à attirer des industries des secteurs des communications et de la technologie de l'information.
Comme l'a déjà souligné le sénateur Atkins, l'enseignement, y compris l'enseignement postsecondaire, relève largement des provinces. La principale responsabilité d'offrir l'enseignement postsecondaire incombe aux gouvernements provinciaux. Toutefois, l'enseignement postsecondaire va dans le sens de l'intérêt national. Par conséquent, le gouvernement fédéral a traditionnellement fourni une part importante des fonds nécessaires pour l'appuyer dans le cadre des paiements de transfert aux provinces. Un solide engagement de ressources s'impose clairement de la part du gouvernement fédéral. Cependant, cet engagement a diminué considérablement depuis que le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir en 1993.
(1510)
La forte réduction des paiements de transfert aux provinces aux fins de l'enseignement postsecondaire a eu des résultats dramatiques. La réduction du financement a eu une incidence dangereuse sur la qualité de l'enseignement, sur l'accès aux études postsecondaires et sur la recherche et le développement en milieu universitaire. Nous avons constaté ces faits lors de notre étude sur l'enseignement postsecondaire en 1997.
Voyons un instant dans quelle mesure la qualité de l'enseignement postsecondaire a souffert. Les établissements postsecondaires canadiens s'efforcent de faire toujours plus avec de moins en moins de ressources. Dans bien des cas, les compressions budgétaires ont eu pour effet qu'on ne pouvait plus acquérir de nouveaux livres ou de nouveaux périodiques pour les bibliothèques de sorte que, souvent, les étudiants n'ont pas accès à l'information la plus à jour disponible dans leur domaine d'études. Souvent, les universités ne sont pas en mesure de remplacer du matériel de laboratoire désuet, même s'il s'agit d'outils d'enseignement importants. Des réparations nécessaires aux immeubles et aux salles de cours sont reportées à plus tard à cause du manque de fonds. L'accessibilité des universités en souffre également.
Un rapport de l'Association des universités de l'Atlantique et du Conseil économique des provinces de l'Atlantique, daté de janvier 2000 et intitulé: «Nos étudiants d'université: la clé de l'avenir de la région de l'Atlantique», faisait observer:
Le manque d'installations convenables, notamment des salles de cours et des laboratoires, a obligé à plafonner le nombre des inscriptions ou à imposer d'autres restrictions aux programmes dans un certain nombre de domaines essentiels, notamment dans certains des domaines scientifiques qui exigent des installations de recherche plus sophistiquées.
De plus, les collèges et les universités ont du mal à attirer le personnel enseignant le mieux qualifié car les professeurs partent à la retraite en nombre croissant. Le numéro du magazine Maclean's que j'ai cité tout à l'heure prévoyait que, d'ici 2010, plus de 20 000 des 33 000 membres du personnel enseignant des établissements canadiens d'enseignement partiront à la retraite ou quitteront pour d'autres raisons. Voilà un chiffre bouleversant, honorables sénateurs.
À leur tour, les collèges et les universités ont été forcés de hausser leurs frais de scolarité en les mettant hors de portée de beaucoup d'étudiants éventuels. C'est là surtout où s'observent les effets de la diminution du financement quant à l'accessibilité des études postsecondaires. En fait, les frais de scolarité ont plus que doublé au cours de la dernière décennie. Comme le sénateur Atkins l'a fait remarquer, les frais de scolarité s'élèvent en moyenne à plus de 4 000 $ par an, et continueront d'augmenter à moins que le gouvernement fédéral ne prenne des mesures concrètes. D'autres frais obligatoires, comme les frais de participation aux activités, ont aussi augmenté de façon substantielle.
Si le gouvernement fédéral ne semble pas en général être conscient de la situation, cette regrettable réalité n'a pas échappé à l'attention de la communauté internationale. Le comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies faisait observer, en décembre 1998:
Le comité constate [...] avec inquiétude que les frais de scolarité pour les études universitaires au Canada ont énormément augmenté ces dernières années, ce qui fait qu'il est très difficile pour les personnes dans le besoin de faire des études universitaires en l'absence de prêt ou de subvention. L'accroissement substantiel de la dette moyenne des étudiants lorsqu'ils sortent diplômés est un autre sujet de préoccupation.
Honorables sénateurs, le manque apparent d'inquiétude du gouvernement à l'égard de la crise à laquelle sont confrontés les établissements d'enseignement postsecondaire vient peut-être du fait que le taux de participation a augmenté ces dernières années. En même temps, les frais de scolarité sont devenus excessifs. C'est manifestement un problème de cause à effet. Ce problème est dû au fait que, dans le cas des collèges comme des universités, le nombre d'étudiants potentiels, en général les jeunes dans le groupe d'âge de 18 à 24 ans, a augmenté en raison de ce qu'on appelle l'«écho-boom».
L'augmentation du taux de participation ne tient pas compte du nombre des diplômés de l'enseignement secondaire, notamment ceux provenant de familles à faible revenu, qui décident de ne pas faire d'études postsecondaires en raison du coût. Cela ne reflète pas vraiment le nombre d'étudiants de collèges ou d'universités qui abandonnent leurs études parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de continuer ou parce qu'il ne veulent pas accumuler d'autres dettes. Cela ne tient pas compte des étudiants qui laissent tomber les études parce qu'ils en ont assez de vivre dans la pauvreté, d'aller aux banques d'alimentation du campus, et parce que la structure du programme canadien de prêts aux étudiants ne leur permet pas de gagner assez d'argent pour s'acheter des provisions.
Le taux de participation ne tient pas compte de l'endettement écrasant dans lequel beaucoup d'étudiants se trouvent à la sortie du collège ou de l'université: 25 000 $ en moyenne, et ce montant est en hausse. Les étudiants ne trouvent pas toujours au Canada un emploi qui paye suffisamment pour qu'ils puissent un jour espérer rembourser leur prêt étudiant. Les diplômés risquent de prendre leur diplôme et de s'expatrier aux États-Unis dans le but de mettre de l'ordre dans leurs finances, se joignant à l'exode des cerveaux, ce qui fait du tort à notre économie.
Un rapport sur l'accessibilité à l'éducation postsecondaire dans les Maritimes publié en octobre 1997 par le groupe Angus Reid pour le compte de la Commission de l'enseignement supérieur des provinces maritimes souligne que:
Un nombre grandissant d'étudiants finissent leurs études postsecondaires dans un gouffre financier dont ils mettront de longues années à se sortir..
Ce même rapport prévoit que la dette moyenne des étudiants du postsecondaire atteindra près de 40 000 $ d'ici à 2005.
Les compressions budgétaires fédérales ont eu une incidence négative sur la recherche et le développement effectués dans les collèges et les universités du Canada. Le gouvernement fédéral appuie la recherche universitaire par l'entremise du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et par le biais de ces conseils subventionnaires. À suite des réductions du TCSPS, certaines installations de recherche se sont détériorées ou sont devenues obsolètes, le personnel de soutien spécialisé a été mis à pied et les professeurs passent plus de temps à enseigner et à travailler en salle de classe qu'à faire de la recherche. Par ailleurs, la diminution du budget des conseils subventionnaires signifie qu'ils ont moins d'argent à consacrer à la recherche.
En raison d'un manque de fonds, les collèges canadiens ont de la difficulté à garder leurs équipes de recherche et à attirer les meilleurs étudiants du deuxième et du troisième cycles. Ceci peut avoir des conséquences à long terme extrêmement graves pour le Canada puisque les établissements postsecondaires sont responsables d'un quart environ de la valeur des investissements effectués dans la recherche au Canada.
Je sais que nous apprécions tous l'annonce faite dans le budget de l'octroi aux conseils subventionnaires fédéraux de900 millions de dollars en cinq ans pour établir et entretenir des chaires de recherche permanentes. Cette mesure aidera nos établissements postsecondaires à attirer et à garder les meilleurs chercheurs. Le financement supplémentaire de la Fondation supplémentaire pour l'innovation est bienvenu.
Je ne pense pas toutefois que ces mesures remédieront entièrement à la détérioration de la capacité de R.D que nos collèges et universités ont subie ces dernières années.
En outre, les 2,5 milliards de dollars supplémentaires en quatre ans promis dans le budget pour l'éducation postsecondaire et la santé semblent arriver trop tard et constituent trop peu. Une infusion ponctuelle de fonds supplémentaires ne permet pas aux provinces de procéder à la planification à long terme nécessaire pour assurer l'avenir de ces domaines essentiels. Par ailleurs, les besoins des étudiants et des établissements postsecondaires risquent de passer au second plan si les provinces décident de dépenser ces fonds pour remédier à la crise dans le système de santé.
Son Honneur le Président pro tempore: Sénateur DeWare, je suis désolé, mais le temps de parole auquel vous aviez droit est expiré. Demandez-vous la permission de continuer?
Le sénateur DeWare: Oui, Votre Honneur.
Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le sénateur DeWare: Je vous remercie, honorables sénateurs.
C'est dans ce contexte plutôt déprimant que j'aimerais faires des commentaires sur certaines des suggestions et observations du sénateur Atkins. Tout d'abord, j'aimerais affirmer que j'appuie sans réserve toutes ses propositions en vue du financement de l'éducation postsecondaire et de l'aide aux étudiants.
J'appuie tout particulièrement sa recommandation visant à restaurer le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux au niveau où il se trouvait en 1993. Le financement doit être accru pour l'année en cours et les années à venir.
Je me joins au sénateur Atkins pour demander au gouvernement d'amender la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'éliminer les impôts sur les bourses d'études. Le budget fédéral d'hier a promis certaines améliorations, faisant passer de 500 $ à 3 000 $ le montant des revenus nonimposables provenant des bourses d'entretien, de recherche et d'études. Par pur hasard, ce montant coïncide avec le montant accordé par la Fondation canadienne des bourses du millénaire. Cette augmentation permettra certainement de venir en aide aux étudiants qui pourraient finir par toucher de l'argent, si ces sommes ne sont pas englouties par les provinces avant même d'arriver dans les mains des étudiants. Il est urgent de faire disparaître les impôts sur les bourses d'entretien, de recherche et d'études, et je me demande pourquoi le gouvernement n'a pas jugé bon de le faire dans le budget d'hier.
J'ai été surtout inspirée par le sénateur Atkins, qui a fait appel à l'imagination créatrice et aux mesures énergiques dans le dossier de l'aide aux étudiants. Je crois, moi aussi, que le Canada doit mettre en place un vaste programme d'aide à l'intention des étudiants dans le besoin. Il doit agir avec le même discernement et poursuivre le même objectif qui l'ont conduit, à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, à mettre en place le programme d'aide aux anciens combattants. Ma famille et des milliers d'autres ont bénéficié des fonds investis par le gouvernement dans ce programme, pour le plus grand bien de l'économie et de la nation canadiennes.
(1520)
Le gouvernement fédéral mesure certainement l'importance capitale pour le Canada de l'enseignement postsecondaire. Il doit par conséquent investir des ressources suffisantes pour encourager les travailleurs canadiens à parfaire leur éducation. Après tout, comme le dit l'adage populaire, on n'a rien pour rien, et les sommes consacrées à l'amélioration de l'enseignement dispensé dans les collèges et universités du Canada et dans le but d'inciter les Canadiens à poursuivre des études supérieures, constituent un investissement de taille.
Que ce soit sur le plan financier ou sur le plan social, le rendement de cet investissement n'est rien de moins qu'extraordinaire. À l'évidence, le gouvernement doit se concentrer sur la constitution d'une main-d'oeuvre instruite, s'il veut pouvoir soutenir la concurrence et prospérer dans une économie mondiale fondée sur le savoir et permettre aux Canadiens, dans leur ensemble, de bénéficier d'une meilleure qualité de vie.
Malheureusement, dans le budget présenté hier, on n'a pas annoncé de nouveaux investissements susceptibles de faciliter aux jeunes Canadiens la poursuite d'études post-secondaires. Mis à part la suppression de l'impôt sur certaines bourses d'études et de perfectionnement, le budget n'a pas abordé la question de l'aide aux étudiants.
Certes, un programme sensé d'aide aux étudiants est en cours d'élaboration, mais il n'en demeure pas moins que le gouvernement devrait envisager des moyens d'améliorer le fonctionnement de l'actuel programme de prêts aux étudiants. Or, ce gouvernement ne semble se soucier du bon fonctionnement de ce programme que pour veiller à l'intérêt des banques. Ainsi, le complément de 100 millions de dollars que le gouvernement accorde à celles-ci pour administrer les prêts consentis aux étudiants aurait pu être consacré à un meilleur allègement de l'endettement des jeunes ou des intérêts sur leurs emprunts. En lieu et place, ce complément se traduit par un bénéfice net pour les banques, à un moment où elles affichent des profits de l'ordre de milliards de dollars.
Honorables sénateurs, je suis impatiente d'entendre les observations et les propositions sur le financement de l'enseignement postsecondaire que feront d'autres sénateurs, et je prévois qu'ils seront nombreux à le faire. À cause du manque de vision et de créativité dont le gouvernement actuel a fait preuve jusqu'ici dans ce dossier, les possibilités sont infinies. J'exhorte les sénateurs à participer à ce débat important en donnant suite à l'interpellation du sénateur Atkins.
(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)
L'avenir de la politique du Canada en matière de défense
Interpellation-Ajournement du débat
L'honorable J. Michael Forrestall, ayant donné avisle 22 février 2000:
Qu'il attirera l'attention du Sénat sur l'avenir de la politique du Canada en matière de défense.
- Honorables sénateurs, avec la fin de la guerre froide, le Canada se trouve empêtré dans un système international précaire, instable et en rapide évolution. Les États-Unis demeurent la seule superpuissance au monde, mais la Chine risque de les supplanter. Malgré l'effondrement de l'ancienne Union soviétique, la Russie maintient un puissant arsenal nucléaire stratégique, qui risque de présenter une menace pour les intérêts de l'Occident à l'avenir. Des pays malintentionnés, comme l'Iraq et la Corée du Nord, continuent de menacer l'harmonie et la sécurité régionales et mondiales.
En outre, une population mondiale de plus en plus nombreuse subit de nouvelles pressions, à mesure que les aliments et les ressources, notamment l'eau potable, s'amenuisent. Ajoutons à cela les pressions ethniques et religieuses et les populations deviennent divisées, ce qui, dans certains cas, a mené à la désintégration de pays, à des crises humanitaires qui surgissent rapidement et même à des guerres. La communauté internationale doit également faire face à des préoccupations croissantes en ce qui concerne la prolifération d'armes de destruction massive, le terrorisme international, l'immigration illégale et le trafic de stupéfiants.
Bref, dans le monde d'aujourd'hui, les populations et les pays deviennent trop souvent victimes d'actes de violence perpétrés par ceux qui ne respectent ni les droits de la personne ni la primauté du droit international. C'est pour cette raison que des pays élaborent des politiques de défense et maintiennent des forces militaires. À mon avis, le temps n'est pas venu de nous asseoir sur nos lauriers, mais d'agir pour ramener la stabilité et l'ordre.
Honorables sénateurs, le Canada fait partie de la communauté mondiale. Il est membre du G-8. Notre niveau de vie, un des plus élevés au monde, dépend de nos échanges commerciaux avec le reste du monde et de notre participation soutenue au marché mondial. Ces 100 dernières années, de la guerre des Boers au conflit au Timor oriental, en passant par deux guerres mondiales dévastatrices, les Canadiens se sont acquis la réputation d'une population désireuse de maintenir les principes que sont la justice et l'ordre dans le système international. Cependant, nous avons des préoccupations régionales et nationales qui nécessitent notre attention.
La situation du Canada est particulière parce qu'il partage un vaste continent avec la superpuissance qui reste. Ce qui est paradoxal, c'est qu'à bien des égards, la sécurité du Canada préoccupe davantage les Américains que les Canadiens. Toutefois, ce n'est pas parce qu'il partage ce continent avec un autre pays que le Canada ne doit pas se préoccuper des questions de sécurité. À moins que nous ne soyons prêts à renoncer à notre souveraineté, nous devons assurer la sécurité du territoire canadien en mer, sur terre et dans l'espace aérien, de manière à ce que nos voisins ne s'en inquiètent pas. La doctrine Munroe pourrait aussi bien s'appliquer à la partie nord de l'hémisphère qu'à sa partie sud. En ce sens, NORAD n'est pas simplement une entente militaire, c'est aussi le garant de la souveraineté du Canada.
Le Canada est aussi un membre de l'OTAN. Il entretient des liens étroits avec ses alliés en Europe, et sa participation à cette alliance lui procure un prestige considérable. Le Canada a été l'un des membres fondateurs des Nations Unies et il a participé à maintes opérations de maintien de la paix depuis la création de cette organisation, persuadé qu'un monde pacifique est un meilleur gage de sécurité et de prospérité pour le Canada. Parce qu'il est membre d'organisations internationales, le Canada a aussi la responsabilité d'assurer la stabilité et de maintenir la paix dans le monde entier. Si nous n'assumons pas notre juste part du fardeau collectif, nous perdrons notre siège à la table où les décisions se prennent, comme cela s'est produit avec le Groupe de contact sur la Bosnie.
Le Canada joue un rôle sur la scène internationale et, de ce fait, sa souveraineté, ses citoyens ainsi que leurs intérêts économiques à l'étranger peuvent être menacés à plusieurs égards. Le gouvernement a donc la responsabilité de s'assurer qu'on ne porte pas atteinte aux Canadiens ni aux intérêts du Canada dans le monde entier. Pour relever ces défis importants du nouveau millénaire, le Canada doit avoir des forces militaires qui disposent d'un équipement adéquat et qui peuvent fonctionner efficacement afin de protéger la souveraineté du Canada et les intérêts canadiens dans le monde entier. Parce qu'il intervient dans l'économie mondiale, le Canada ne peut s'isoler.
Les objectifs du Canada en matière de sécurité nationale doivent refléter les besoins de notre pays sur le plan de la sécurité. Voici les objectifs du Canada en ce qui concerne la sécurité nationale: assurer la sécurité nationale du Canada et, de ce fait, protéger sa souveraineté; décourager toute agression en faisant partie d'organisations de sécurité collective comme l'OTAN et NORAD; et promouvoir la sécurité et la stabilité dans le monde entier, dans le cadre d'opérations prioritaires de maintien de la paix sous la direction des Nations Unies.
(1530)
En atteignant ses objectifs de sécurité nationale, le Canada prospérera et entrera dans le nouveau millénaire en tant que leader mondial en matière de promotion de la sécurité internationale, de développement démocratique, de protection de l'environnement et de commerce international, plutôt que comme acteur secondaire sur la scène mondiale.
Les Forces canadiennes constituent le principal élément grâce auquel le Canada se trouve en position d'atteindre ses objectifs en matière de sécurité nationale et d'assurer sa survie nationale dans un monde incertain qui évolue rapidement. Pour atteindre nos objectifs en matière de sécurité nationale et pour protéger les intérêts et la vie des Canadiens, les Forces canadiennes doivent être adéquatement structurées, formées, équipées et dirigées. À cette fin, les militaires canadiens doivent être prêts pour les diverses activités de la gamme des conflits, allant d'opérations de faible intensité à des opérations de haute intensité.
Honorables sénateurs, les Forces canadiennes doivent présenter une totale interopérabilité avec les forces militaires de nos alliés et amis. Afin d'être efficaces sur le plan opérationnel, les forces armées doivent être capables de mener des opérations de survie dans un environnement présentant de multiples menaces, et ceci dans le monde entier. Lorsque nous déployons nos forces, nous ne pouvons pas attendre que d'autres viennent à notre secours ou dépendre d'autres pour subvenir aux besoins de nos forces si nous faiblissions. Un engagement militaire en matière de sécurité mondiale exige un niveau approprié de soutien opérationnel s'il ne s'agit pas d'un simple engagement symbolique.
Il y a aujourd'hui tout lieu de douter du fait que le Canada peut contribuer de façon efficace à la sécurité mondiale. Les récents déploiements ont été essentiellement symboliques et ils n'ont pas toujours satisfait les attentes de nos partenaires. Il y a également tout lieu de s'interroger sur notre capacité de garantir notre propre intégrité territoriale et de préserver notre souveraineté. Il ne s'agit pas de remarques futiles. Elles reflètent le fait que nous avons laissé la capacité de nos forces baisser au point de mettre en péril leur efficacité à plus long terme. Nous ne pouvons plus assumer notre part du fardeau de la sécurité internationale et nous devons maintenant laisser à d'autres la part du lion. Pour un pays si profondément intégré dans l'économie mondiale et si dépendant du commerce international pour maintenir son niveau de vie élevé, c'est certainement inacceptable.
Sans trop aller dans les détails, je dirai qu'il y a certaines préoccupations urgentes. Premièrement, il ne fait aucun doute que le besoin le plus pressant est que les forces soient structurées de manière à pouvoir répondre aux demandes et à surmonter les difficultés d'incertitude et d'instabilité du monde actuel, et qu'elles aient une capacité d'intervenir rapidement en cas d'urgence - «rapidement» dans le sens qu'elles ont la capacité de se déployer dans un délai de quelques jours au lieu de quelques semaines. À cette fin, il faudra presque assurément changer les principes régissant la structure des forces et du commandement, modifier le nombre des membres affectés aux opérations et leur accorder des allocations de formation appropriées, et acheter du nouvel équipement. Mais avant tout, il faut un leadership plus neuf et plus dynamique, un leadership qui ne s'empêtre pas dans des préoccupations bureaucratiques et qui a la confiance absolue non seulement des dirigeants politiques, mais aussi, et c'est encore plus important, des hommes et des femmes placés sous son commandement. Ces forces doivent être complètement interopérables, non seulement entre elles comme forces conjointes, mais aussi avec les forces de nos partenaires.
Deuxièmement, il faut changer la structure de commandement actuelle des forces et l'orienter vers les problèmes opérationnels. La nouvelle structure de commandement devrait faire la distinction entre les fonctions militaires et civiles afin d'établir une organisation plus rationnelle et efficace aux quartiers généraux de la Défense nationale. La nouvelle structure de commandement doit mettre en valeur l'efficacité opérationnelle, une gestion efficiente des ressources, des rôles clairement définis et une obligation de rendre compte. Le poste d'ombudsman doit être inscrit dans la loi de telle sorte que son indépendance soit maintenue et que son pouvoir soit clairement défini. De plus, un inspecteur général et du personnel de soutien doivent être en place pour maintenir l'efficacité opérationnelle et garantir l'état de préparation opérationnelle des Forces canadiennes avant tout déploiement à l'étranger.
Troisièmement, même si la marine canadienne et la force aérienne sont actuellement prêtes à fonctionner dans cet environnement difficile, il apparaît clairement depuis quelque temps déjà que les Forces canadiennes sont sous-équipées et mal organisées pour la révolution des affaires militaires. Cette situation ne peut continuer sans nuire à notre sécurité et à celle de nos dévoués soldats et de nos partenaires multilatéraux dans les opérations militaires à l'étranger.
En outre, en ne fournissant que des troupes symboliques, nous ternissons notre réputation internationale de bon citoyen. Nous devons cesser de n'envoyer que de très faibles contingents et revenir au concept de l'engagement de troupes utiles et autosuffisantes. Il se peut fort bien qu'après l'élaboration et la mise à l'épreuve d'un solide plan de mobilisation, nos troupes puissent exercer un rôle de renforcement plus avancé, mais la mobilisation doit demeurer la principale priorité de l'armée de réserve.
Enfin, plusieurs importants programmes de rééquipement doivent être mis en oeuvre pour permettre aux Forces canadiennes de protéger efficacement les intérêts nationaux canadiens. Par exemple, l'armée canadienne doit faire l'acquisition d'un véhicule de tir d'appui direct au déploiement rapide. Il faut trouver immédiatement un remplacement qui convienne à l'hélicoptère de patrouille maritime Sea King, qui est trop vieux et non fiable. La marine et l'aviation canadiennes doivent disposer de capacités d'emport instantané et de capacités stratégiques en mer pour soutenir les opérations communes si l'on veut que l'armée joue un rôle crédible dans les opérations militaires multilatérales dans l'avenir. L'aéronef de patrouille maritime CP-140, l'Aurora, doit être modernisé afin que le Canada maintienne sa seule plate-forme de reconnaissance aérienne.
Honorables sénateurs, le budget de la défense du Canada doit refléter ses objectifs et sa stratégie de sécurité nationale ainsi que ses exigences à l'égard de la structure des forces tout en tenant compte des contraintes budgétaires actuelles. Cela ne peut se faire que si on maintient les dépenses de la défense à des niveaux responsables et si on se fonde sur des plans d'acquisition d'immobilisations à long terme. Le budget des opérations et de l'entretien devrait être séparé du budget des immobilisations. Le ministère de la Défense nationale a besoin d'un financement annuel supplémentaire immédiat pour maintenir ses capacités actuelles et mettre en oeuvre les programmes d'immobilisations à long terme proposés. Les dépenses de la défense devraient, au minimum, rester constantes au cours d'une période de cinq ans.
En ce qui concerne les programmes d'immobilisations, un plus grand partenariat doit être établi entre le ministère de la Défense nationale et l'industrie canadienne, à l'abri des contraintes politiques, pour tirer un effet opérationnel maximal des ressources consacrées à la défense. Les exigences canadiennes en matière de défense ont été de tout temps un catalyseur de la R-D dans l'industrie canadienne et, en cette ère de l'information, cela est encore plus important que jamais.
C'est pourquoi le MDN doit veiller à ce que l'industrie canadienne soit consciente de ses exigences opérationnelles. L'industrie doit, pour sa part, veiller à ce que les militaires soient conscients de sa capacité de fournir de l'équipement et des services économiques et efficaces sur le plan opérationnel. De plus, le rééquipement des Forces canadiennes doit rester abordable. Les acquisitions de biens doivent porter uniquement sur des systèmes d'armes standards abordables et ayant fait leurs preuves au combat.
À cette fin, le Canada a besoin, pour la gestion de la défense, d'une nouvelle approche qui permettra de tirer la valeur maximale de chaque dollar tout en améliorant l'efficacité opérationnelle des forces.
Honorables sénateurs, les Forces canadiennes ont souffert de négligence pendant trop longtemps et nous ne devons pas laisser cette situation irresponsable se poursuivre. Comme la population canadienne qu'elles défendent, les Forces canadiennes méritent la gestion et l'appui d'un gouvernement engagé, préoccupé et responsable. Ainsi, le Canada pourra commencer le nouveau millénaire avec une force militaire abordable, opérationnellement efficace, prête au combat et moderne afin de relever tous les défis de la sécurité nationale. Les honorables sénateurs comprendront donc pourquoi je suis très déçu aujourd'hui.
(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)
(1540)
Énergie, environnement et ressources naturelles
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude de questions rentrant dans le cadre de son mandat
L'honorable Mira Spivak, ayant donné avisle jeudi 24 février 2000:
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénatle 1er décembre 1999, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, en conformité avec l'alinéa 86(1)p) du Règlement, soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles en général, soit habilité à faire rapport au plus tard le 30 juin 2001.
(La motion est adoptée.)
L'autonomie gouvernementale autochtone
Rapport du comité sur l'étude-Suite du débat
Permission ayant été accordée de revenir aux Rapports de comité:
L'ordre du jour appelle:
Le Sénat reprend le débat sur l'étude du troisième rapport du comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé: «Forger de nouvelles relations: l'autonomie gouvernementale des autochtones au Canada», qui a été déposé au Sénat le 15 février 2000.-(L'honorable sénateur Johnson).
L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, je suis très heureuse de me joindre au débat sur le rapport concernant l'autonomie gouvernementale des autochtones comme le sénateur Charlie Watt, ancien président du comité sénatorial permanent des peuples autochtones, l'a fait avant moi. Ce rapport intitulé: «Forger de nouvelles relations: l'autonomie gouvernementale des autochtones au Canada» est le fruit du labeur du comité réparti sur deux ans. Comme les honorables sénateurs le savent, j'ai été vice-présidente du comité. J'y ai vécu une expérience unique que je considérerai toujours comme un moment spécial dans ma carrière de sénateur.
Le comité est né du rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, qui insistait sur l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones du Canada, laquelle devait faire surgir de nouvelles relations favorables entre les peuples autochtones et la collectivité non autochtone du Canada.
Notre rapport n'expose pas en détail les nouvelles structures d'autonomie gouvernementale, mais il est important de par les recommandations administratives qu'il comporte. Il est important aussi de par la méthodologie utilisée pour en arriver à ces recommandations.
Comme c'est l'habitude pour les comités parlementaires, nous avons dressé une liste de témoins et entendu divers spécialistes et groupes d'autochtones sur le sujet de l'autonomie gouvernementale. Toutefois, nous avons aussi établi un groupe consultatif que nous appelions notre «table ronde sur l'art de gouverner». C'était la première fois qu'un comité sénatorial invitait des non-sénateurs à participer directement au débat de questions clés intéressant le comité. Cette table ronde était composée d'anciens, de chefs traditionnels et de mères de clan. Nous avons beaucoup bénéficié de leurs conseils.
À mon sens, aucune question de politique publique n'est plus complexe que l'évolution des relations entre les autochtones et les non-autochtones au Canada. L'étude de la commission royale a préparé la scène pour l'arrivée d'un troisième ordre de gouvernement autochtone et a recommandé diverses formes que pourrait prendre un tel gouvernement. Toutefois, nous avons découvert au cours de nos audiences que si les objectifs de la commission royale étaient bons, les mécanismes destinés à les atteindre laissaient encore beaucoup à désirer.
Par conséquent, sur la route de l'étude de diverses structures d'autonomie gouvernementale des nations autochtones, notre comité a fait un important détour. Nous avons surtout insisté, du moins dans la première partie de notre rapport, sur la recommandation de structures qui assureraient le gouvernement autochtone - les griefs se sont accumulés tout au long de la route vers l'autonomie gouvernementale. Je m'explique.
Nos témoins, dont beaucoup de représentants de groupes qui fonctionnaient selon une forme d'autonomie gouvernementale, ont passé le plus clair de leur temps devant le comité à énumérer les problèmes que pose le système actuel de mise en place et de contrôle de l'autonomie gouvernementale. Notre rapport représente donc nos réflexions et nos recommandations sur la façon tant d'améliorer le système actuel d'autonomie gouvernementale que de paver la voie à de futurs accords d'autonomie gouvernementale.
Notre comité croyait que nous faisions oeuvre utile en consacrant nos efforts au démantèlement des obstacles bureaucratiques dressés sur le chemin des collectivités autochtones qui aspirent à l'autonomie gouvernementales et de celles qui possèdent déjà cette autonomie. Je m'en voudrais de ne pas citer en exemple le témoignage et les documents de la nation des Cris et des Naskapis, car ils sont les premiers à avoir porté à notre attention des problèmes bureaucratiques et administratifs qui se dressent sur la voie de l'autonome gouvernementale. Partant de leur témoignage, nous avons pu poser aux autres témoins des questions sur ce problème crucial et par la suite en discuter avec les anciens lors de notre table ronde sur la gouvernance.
La reconnaissance du problème a conduit directement aux recommandations contenues dans la première partie de notre rapport. Nous recommandons que le gouvernement fédéral aborde les négociations sur l'autonomie gouvernementale des autochtones avec plus de souplesse et en étant plus inclusif. Nous recommandons aussi la création d'un bureau des relations autochtones indépendant du ministère des Affaires indiennes et du Nord et de lui confier la responsabilité de négocier et d'établir les relations avec les peuples autochtones. Nous avons aussi recommandé l'adoption d'une nouvelle loi définissant un cadre juridique général pour guider le gouvernement fédéral dans la négociation et la mise en oeuvre de traités et d'autres ententes. De plus, nous recommandons la création d'un organisme de surveillance indépendant qui ferait rapport au Parlement et qui assumerait trois rôles principaux tous liés aux relations entre les gouvernements autochtones et le gouvernement du Canada. Ces rôles sont la production de rapports publics et l'éducation; la conduite d'enquête, en tant qu'ombudsman et organisme de surveillance du respect des ententes; la conciliation. En outre, nous avons recommandé une formation et une éducation interculturelle pour favoriser la sensibilisation aux droits, aux lois, aux cultures, aux traditions et aux questions sociales touchant les autochtones.
Ces recommandations devraient être vues comme étant inextricablement liées. Le gouvernement fédéral et les provinces qui participent à la négociation de l'autonomie gouvernementale doivent faire preuve de souplesse. Il ne saurait en aucun cas y avoir une forme unique d'autonomie gouvernementale pour toutes les nations autochtones.
Honorables sénateurs, le comité permanent des peuples autochtones examine en ce moment l'entente définitive des Nisga'a. Au fur et à mesure que les témoignages sont présentés, il apparaît évident que l'accord n'est absolument pas un modèle à suivre pour les ententes ultérieures, à tout le moins pas aux yeux des témoins autochtones. Si l'on ne fait pas preuve d'un peu de flexibilité en reconnaissant que les groupes autochtones diffèrent entre eux quant aux besoins, aux intérêts et aux objectifs qu'ils poursuivent, on ne parviendra pas à négocier des solutions et des ententes.
Si les ententes ne découlent pas de négociations, le seul recours dont disposent les groupes autochtones, ce sont les tribunaux. On ne saurait considérer cela comme une méthode satisfaisante de résoudre les questions en litige. Il faut donc faire preuve de flexibilité.
Il est également question d'une certaine réticence chez les bureaucrates du MAINC à négocier la question de l'autonomie gouvernementale. Ils considèrent à tort l'autonomie gouvernementale comme une politique à mettre en 9uvre de temps à autre, mais ils n'en voient ni l'urgence ni le bien-fondé. Plusieurs groupes autochtones m'ont parlé de la réticence du MAINC à participer activement à la résolution des questions encore en litige touchant l'autonomie gouvernementale. Ils y voient un conflit d'intérêts virtuel du fait que, les groupes autochtones devenant de plus en plus nombreux à acquérir l'autonomie gouvernementale, le MAINC finira par ne plus avoir sa raison d'être. Afin d'en arriver à une résolution rapide des questions et des problèmes relatifs à l'autonomie gouvernementale, nous recommandons que soit créé, à l'intérieur du Bureau du Conseil privé ou en tant qu'entité distincte, un nouveau bureau des relations autochtones. De cette façon, le MAINC n'aurait plus à s'occuper de l'autonomie gouvernementale.
La question qui se pose alors à nous est la suivante: que faire face au manque de direction, aux politiques à mettre en oeuvre et à la nécessité de résoudre les griefs dont nous ont fait part nos témoins?
(1550)
Nous croyons que ces questions pourraient être réglées en prévoyant un cadre législatif pour guider le gouvernement dans la négociation et la création de nouvelles relations par le biais de traités ou d'accords. Cette mesure législative établirait les principes qui régiraient les négociations en matière d'autonomie gouvernementale et l'engagement du gouvernement à trouver une solution juste et équitable aux problèmes autochtones. Elle pourrait aussi contenir des accords-cadres qui s'appliqueraient à toutes les parties au processus d'autonomie gouvernementale. Ce serait un guide auquel toutes les parties pourraient se reporter pour en évaluer les progrès.
Afin d'examiner les nombreuses matières à conflit sur lesquelles les témoins ont attiré notre attention, nous avons décidé qu'une nouvelle commission dotée de pouvoirs semblables à ceux d'un ombudsman devrait être constituée et qu'elle devrait rendre compte de ses travaux directement au Parlement. Nous avons appelé ce groupe la Commission d'examen de l'application des droits ancestraux et issus de traités. C'est à cette commission, plutôt qu'aux tribunaux que, espérons-le, les problèmes administratifs entre les groupes autochtones et le gouvernement fédéral seraient renvoyés pour règlement. Nous espérons aussi que cette commission pourrait jouer un rôle d'éducatrice, faciliter le développement de relations harmonieuses et rapprocher les groupes participant au projet d'autonomie gouvernementale.
La création de cette commission comblerait un trou béant dans nos relations avec les autochtones. À l'heure qu'il est, lorsque l'on constate des problèmes dans la mise en 9uvre d'un traité ou dans l'administration d'ententes d'autonomie gouvernementale, le seul recours est de faire appel au MAINC. Si celui-ci refuse d'aider, il faut envisager un recours devant les tribunaux. La création de cette commission permettrait de régler un grand nombre de ces questions d'une manière plus rapide, plus efficace et certainement moins coûteuse que si l'on avait recours aux tribunaux.
Honorables sénateurs, nous faisons ces recommandations tout en étant conscients des coûts qu'elles entraîneront. Nous avons décidé que la mise en 9uvre de la plupart de ces recommandations pourrait être financée avec les fonds épargnés grâce à la réduction des effectifs du MAINC qui sera inévitable au fur et à mesure que les groupes autochtones seront de plus en plus nombreux à parvenir à l'autonomie gouvernementale. La mise en 9uvre de ces recommandations ne devraient pas nécessiter de nouvelles dépenses de la part du gouvernement du Canada.
En sus de ces recommandations et de celle concernant la sensibilisation de l'ordre judiciaire, des hauts fonctionnaires et des avocats aux nombreux problèmes d'ordre juridico-social des autochtones, dans la deuxième partie de son rapport, le comité s'est penché sur un certain nombre de questions soulevées par les témoins. Dans la deuxième partie, nous souhaitons donner un aperçu des nombreux problèmes signalés par les témoins et faire en sorte qu'ils soient abordés dans l'avenir. Au nombre de ces questions figurent des modèles ou structures d'auto-administration, des propositions de modalités de financement de ces administrations, la mise en place de formations diverses à l'intention des autochtones qui seront chargés de négocier et d'organiser l'administration autonome, le rôle, sur les plans juridique et culturel, des femmes autochtones au sein de cette administration, et enfin, les nombreuses questions complexes auxquelles sont confrontés les jeunes autochtones, notamment ceux vivant en milieu urbain, loin des terres ancestrales.
En particulier, je souhaite aborder les difficultés des femmes autochtones et des Indiens vivant en milieu urbain et dépourvus de terres. Les associations de femmes autochtones qui ont témoigné devant notre comité ont déploré leur exclusion des négociations portant sur la mise en place de l'administration autonome. Elles ne sont pas suffisamment informées sur le processus et estiment que leurs possibilités d'y prendre part sont assez limitées. Les femmes autochtones doivent être protégées en cas de problèmes conjugaux et comme, dans la plupart des cas, elles se voient accorder la garde des enfants, il convient de leur garantir un logement adéquat. La Charte des droits et libertés garantit les droits autochtones aux hommes comme aux femmes. Cependant, dans la réalité, les choses se passent autrement.
Honorables sénateurs, je crois que le comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'intention de revenir sur la question aux fins d'étude lorsqu'il en aura fini avec le projet de loi dont il est saisi à l'heure actuelle, le projet de loi C-9, portant sur l'Accord définitif nisga'a.
Je conclurai en parlant des problèmes auxquels doivent faire face les jeunes autochtones vivant à l'extérieur des réserves dans des centres urbains. Selon une étude effectuée récemment par l'Association nationale des centres d'amitié et la Commission du droit du Canada et intitulée: «Urban Aboriginal Governance in Canada: Re-fashioning the Dialogue», les jeunes autochtones représentent plus de 50 p. 100 de la population autochtone vivant dans les régions urbaines. Ce groupe est le principal espoir pour le renouveau des sociétés et des cultures autochtones, dont une grande partie se trouvent dans une situation précaire.
Malheureusement, les jeunes autochtones vivant dans des régions urbaines ont des taux de pauvreté vraiment terribles. Toutes les questions connexes de subsistance, d'agressions sexuelles et de mauvais traitements, ainsi que l'éclatement des familles, menacent la survie de la culture autochtone dans le Canada urbain. Si nous ne prévoyons pas une forme d'autonomie à laquelle ce groupe pourra s'identifier, les intéressés continueront de former des gangs en tant que solution de rechange à l'autonomie des autochtones.
Le professeur Alan Cairns, de la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique, a déclaré récemment que notre concentration en tant que parlementaires et décideurs sur l'autonomie gouvernementale des autochtones pour ceux qui ont une assise territoriale fait que les autochtones des régions urbaines sont négligés. Si nous ne modifions pas nos orientations afin de mettre l'accent sur les autochtones des régions urbaines autant que sur ceux qui ont une assise territoriale, comme le professeur Cairns l'a déclaré, les autochtones des régions urbaines finiront par perdre leur culture.
En tant que parlementaires, nous devons reconnaître les problèmes des autochtones des régions urbaines et commencer à élaborer des façons de les inclure dans les structures de gouvernement. Lorsqu'il a témoigné devant notre comité, l'Indian Council of First Nations of Manitoba a déclaré qu'il était nécessaire de prévoir une forme de gouvernement communautaire dans les régions urbaines. Les intéressés ont également souligné la nécessité d'examiner l'incapacité du MAINC d'offrir des programmes dans les centres urbains.
L'Ontario Federation of the Indian Friendship Centres et l'Aboriginal Peoples Council ont tous deux souligné les besoins et les préoccupations des autochtones vivant dans des centres urbains. Ils ont tous deux proposé un «modèle de gouvernement basé sur une communauté d'intérêts» pour les centres urbains.
Honorables sénateurs, je ne sais pas comment résoudre ces problèmes mais, à mon avis, nous devons commencer à étudier des solutions avec ceux qui se trouvent au premier palier de prestation proprement dite des services et qui connaissent le mieux les problèmes des autochtones en milieu urbain, c'est-à-dire les autochtones eux-mêmes. Nous devons consulter et écouter les autochtones canadiens et nous devons agir de concert avec eux. Si nous ne procédons pas de la sorte et si nous continuons de ne pas tenir compte du problème, une génération complète de jeunes autochtones sera perdue.
Honorables sénateurs, le rapport du comité des peuples autochtones sur la fonction gouvernementale est un début. À mon avis, c'est un premier pas dans la bonne direction. Il marque une transition entre le rapport de la commission royale d'enquête et la réalité d'aujourd'hui. Toutefois, le comité des peuples autochtones a encore beaucoup à faire. À mon avis, lorsque le comité aura fini de discuter du projet de loi C-9 visant à mettre en oeuvre l'Accord nisga'a, il pourrait souhaiter étudier en profondeur les questions auxquelles font face les femmes et les jeunes autochtones en milieu urbain au Canada. Ce sont là des volets cruciaux.
En terminant, je tiens à remercier les honorables sénateurs qui ont travaillé avec tant d'ardeur et pendant d'aussi longues heures au sein de ce comité. Il faut les féliciter de la sagesse, de la patience et de l'intelligence dont ils ont fait preuve dans ce dossier d'une grande importance pour notre pays.
(Sur la motion du sénateur Pearson, le débat est ajourné.)
Ajournement
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 1er mars 2000 à13 h 30;
Que, à 15 h 30 demain, si le Sénat n'a pas terminé ses travaux, le Président interrompe le délibérations pour ajourner le Sénat;
Que, si un vote est différé à 17 h 30 demain, le Président interrompe les délibérations à 15 h 30 pour suspendre la séance jusqu'à 17 h 30 pour la mise aux voix du vote différé; et
Que tous les points figurant à l'Ordre du jour et au Feuilleton des avis, qui n'ont pas été abordés, demeurent dans leur ordre actuel.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 1er mars 2000, à 13 h 30.)